Aujourd’hui, j’aborde une thématique résumée par une réplique qui date d’un temps que les moins de 20 ans peuvent ne pas connaître :
« J’adore quand un plan se déroule sans accroc »
Construire son activité, planifier ses actions pour l’année, les décliner au semestre, au mois, à la semaine, à la journée, rien de plus simple quand on est organisé me diriez-vous ?
Mais ce serait sans compter sur un facteur influent et parfois déstabilisant qui nous accompagne au quotidien :
L’imprévu
L’imprévu peut être exaltant, perturbant, excitant. Il peut nous stimuler, ou au contraire, nous stopper dans notre élan. On a beau tout essayer d’anticiper, comme le font les ingénieurs de la Nasa ou de Space X lorsqu’ils envoient des humains dans l’espace, il peut toujours se passer un petit quelque chose qui contraint, même les plus intelligents d’entre nous, à revoir leur position, à reconsidérer le plan défini.
Cette notion fait appel à notre humilité, à notre capacité à se remettre en question, à envisager les événements futurs différemment, en tenant compte des situations nouvelles qui nous sont imposées. Pourtant, lorsque l’on a un cap, il faut pouvoir s’y tenir, réduire les risques d’égarement, ne pas dévier de sa trajectoire. C’est tout à fait légitime, et c’est même nécessaire quand on a un objectif à atteindre.
Charles BERNARD disait : « la vie est faite d’imprévus, il fallait le prévoir ».
Alors on va essayer de le prévoir…
Pour anticiper ces situations qui vont probablement monopoliser notre attention alors que l’on avait prévu tout à fait autre chose, deux possibilités s’offrent à nous :
- Prévoir l’imprévisible, c’est tentant mais je n’ai pas ce don
- Prévoir de réagir à l’imprévisible sans se laisser distraire, sans s’éloigner de son chemin, de son objectif.
L’anticipation fait partie du quotidien d’un manager. Alors construire son activité par anticipation pourrait bien être une opportunité à explorer. Il existe des attitudes, des postures qu’utilisent bon nombre d’entre eux et qui nous facilitent la tâche en libérant de l’espace pour réagir à l’imprévu.
Dans cette article, nous allons voir comment de créer les conditions favorables dans l’organisation de son activité de manager en optimisant son temps grâce au plan d’actions managériales.
DÉVELOPPER LES COMPÉTENCES
Vous avez probablement rencontré un jour un formateur qui vous a présenté le fameux bocal temporel. Il s’agit d’une scène qui montre une personne remplissant un récipient (représentant le temps disponible pour l’activité professionnelle) avec différents produits. La taille de chaque produit peut évoquer l’importance des tâches correspondantes. Cela va de la balle de golf à la bière, en passant par le sable et les petits cailloux. Les balles de golf pourraient représenter les tâches incontournables, les actions qui constituent le cœur de l’activité et qui engagent vers la réussite, la bière serait l’imprévu. Insinueux, parfois envahissant, il peut rapidement prendre toute la place et vous empêcher de rester concentré sur l’essentiel si vous ne prêtez pas attention à consolider votre mission première : l’atteinte de vos objectifs.
C’est ainsi que la hiérarchisation et la planification des tâches peuvent sécuriser votre engagement en structurant les priorités de vos futures missions.
Ici, je parle bien de structuration et non d’un contrôle excessif de l’agenda.
La planification à outrance peut être génératrice de stress, elle peut aussi nous enfermer dans une démarche inhibant notre créativité. Elle peut tout simplement démotiver le manager.
Alors quel pan de son activité peut bénéficier d’une planification avantageuse ?
Dans mon précédent article, j’ai évoqué les différentes missions du manager : piloter son service, résoudre les problèmes, faire circuler l’information, organiser le travail de ses équipes et enfin animer et échanger qui devrait occuper plus d’un tiers de son temps. Si l’on se réfère au temps consacré, nous avons donc probablement identifié les balles de golf du manager opérationnel : l’accompagnement des équipes.
1 - Pourquoi un Plan d'Actions Managériales ?
Qu’est-ce qu’un plan d’action ?
Un plan d’action constitue un ensemble de mesures, de tâches ou d'activités à entreprendre pour réaliser un projet. Souvent associé à l’activité commerciale, on parle alors de plan d’actions commerciales, il permet de structurer les différentes étapes qui conduisent à l’objectif fixé. C’est la traduction opérationnelle de la stratégie d'entreprise.
Son but est de permettre à son auteur, mais aussi aux acteurs de se projeter, de cadrer, d’expliquer les étapes et de positionner l’état d’avancement dans le temps.
Le plan d’action managériale, quant à lui, fixe les étapes qui permettront à un manager d’engager ses équipes vers l’objectif défini dans le cadre de la stratégie de l’entreprise. La relation entre les managers et les vendeurs est ainsi construite autour d’un objectif partagé.
Dans cette définition, l’élément central, le plus important, c’est l’objectif. Le fait de le positionner peut permettre la progression.
Sénèque disait qu’il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va. L’objectif, c’est la direction à suivre.
Le plan responsabilise son auteur et les acteurs. Sa présence rend possible son acceptation. L’élaboration d’un plan est structurante, mais elle ne préserve pas de l’échec. Son succès n’est pas garanti.
Alors pourquoi un plan peut-il ne pas fonctionner ? Quelles sont les principales raisons qui conduisent une démarche volontaire à ne pas aboutir ?
La première est directement liée à l’endurance et à son talon d’achille :
L’essoufflement (engagement dans la durée).
Le développement des projets informatiques, dont la durée s’apparente à celle d’un plan d’actions managériales, a fortement évolué durant la dernière décennie. De nouvelles méthodologies ont vu le jour.
On peut citer par exemple le framework Scrum inspiré du manifeste Agile. Dans les principes de Scrum, il est fait une place importante sur les étapes intermédiaires qui ont le double avantage de permettre la progression technique des acteurs mais aussi de réduire l’essoufflement. Les délais de livraison sont raccourcis et le nombre des étapes et des objectifs intermédiaires sont démultipliés.
Les sprints comme ils les appellent, favorisent l’engagement dans la durée, ils favorisent l’acceptation.
Car l’absence d’acceptation de la part des acteurs constitue une autre source d’échec.
L’acceptation
Les méthodes traditionnellement utilisées pour favoriser cette acceptation peuvent aller à l’encontre même de l’objectif recherché. Les managers peuvent avoir recours à une présentation détaillée des objectifs et des étapes de leur plan. Or on dit souvent que le diable se cache dans les détails. Le rôle des émotions dans l’engagement est central (voir mon précédent article). La description dans le détail d’un plan n’améliore pas la prise d’engagement. Au contraire.
Alors est-ce pour instaurer une relation équitable et juste que certains d’entre vous êtes amenés à agir ainsi ? Toujours est-il que la démarche peut être vouée à l’échec si les informations transmises visent simplement à apporter toute la transparence sur les actions qui seront entreprises. Car ce n’est pas seulement l’acceptation de la chose qui est à obtenir mais belle et bien celle de l’individu, porteur du projet.
Les travaux de Carl Rogers, un psychologue américain, nous rappellent le rôle important du manager vis-à-vis du vendeur. Il a étudié les relations entre un thérapeute et son patient. Au cours de ses études, il a observé et mis en avant le rôle essentiel de la personne “aidant” dans l’acceptation de la démarche.
L'empathie, la congruence et le regard positif inconditionnel constituent, selon Rogers, les attitudes fondamentales de l’aidant.
Son influence l'amène au-delà de la psychologie clinique, sur des sujets aussi variés que la pédagogie et la gestion des conflits.
A en croire Rogers, la notion de transmission repose plus sur la capacité du manager à comprendre et écouter ses vendeurs que sur sa compétence à expliquer un plan qu’il a probablement conçu dans ses moindres détails.
L’explication excessive ne serait donc pas LA solution idéale pour faire accepter un plan, elle peut même nuire à la confiance.
Aussi paradoxale que cela puisse paraître, plusieurs études américaines dont celle publiée en 2011 par Steven Shepherd et Aaron C. Kay ont montré que se sentir non informés ou incapables de comprendre des questions importantes favorisent un sentiment de dépendance envers une autorité. Ce sentiment contribue à lui accorder plus facilement sa confiance.
Et plus la situation est urgente ou les gens se sentent potentiellement menacés, moins ils veulent en savoir plus et préfèrent faire confiance à cette autorité.
Si l’on veut aller plus loin, un manager bien avisé énoncera les objectifs mais il ne fournira pas d’explications trop précises avant de laisser son commercial s’exprimer.
Voilà pourquoi, et c’est important, dans l’acceptation d’un plan, une explication si elle peut s’avérer nécessaire, ne devrait pas constituer la colonne vertébrale d’une présentation.
Incompréhension dans le plan - absence d’intérêt
Voilà une idée reçue très répandue selon laquelle nous nous engageons dans une démarche que lorsque nous la comprenons. J’ai souvent entendu des directeurs commerciaux attribuer les échecs d’une action à un manque de compréhension de la part des commerciaux. La parfaite maîtrise d’une situation n’a jamais été un préalable péremptoire à une adhésion à cette même situation.
L’illusion de compréhension est un biais cognitif reconnu qui nous apporte un éclairage intéressant sur ce sujet.
Il consiste à avoir l'impression de comprendre comment des systèmes complexes fonctionnent malgré une compréhension qui est en fait superficielle.
En 2012, le docteur en psychologie Steven SLOMAN accompagné de plusieurs spécialistes ont mené une expérience pour étudier l'impact de ce biais sur des concepts sociologiques et politiques complexes.
Ils ont montré que si une personne manifeste un haut niveau de conviction sur un sujet mal maîtrisé, toute explication sera vaine. Son opinion primera sur sa compréhension. L’étude fait ressortir que la remise en question de cette opinion, même si elle est fausse, sera d’autant plus compliquée que la personne aura eu à s’exprimer dessus. Dans le cas où un interlocuteur montre une hostilité envers un projet, il sera plus disposé à s’y opposer, même s’il comprend parfaitement les raisons de son déploiement.
Les conclusions de cette étude peuvent nous apporter une aide précieuse. Il a été démontré que lorsque la personne se fait demander d'expliquer comment fonctionnent ces systèmes complexes, elle réalise, à ce moment-là, à quel point elle en sait peu.
En résumé, pour favoriser l’adhésion, il est recommandé d’initier la présentation d’un plan d’action et les échanges sur le comment, davantage que sur le pourquoi. Dans ce contexte, les vendeurs seront confrontés à leurs propres limites et l’opposition pourra être plus facilement contenue.
A l’inverse, si l’objectif de votre présentation est de chercher la controverse et l’éveil de l’esprit critique, il est conseillé de procéder de façon inverse.
2 - Comment déployer un Plan d'Actions Managériales ?
On y est !
Après avoir pris en considération les risques d’échec d’un plan et les points de vigilance, nous allons pouvoir voir comment le déployer. Je vais vous expliquer comment j’organise mon activité d’accompagnement auprès des équipes commerciales.
La construction du plan d’actions managériales, nous l’avons dit, est une démarche structurante.
Imaginez que pour élaborer notre plan, nous devions partir d’une feuille blanche, que nous devions tout construire par nous-même. C’est un peu angoissant (en tout cas pour moi !)
On peut aussi envisager de s’appuyer sur des concepts déjà existants, qui ont fait leur preuve. C’est ainsi qu’après plusieurs formations sur le management d’équipe commerciale en non hiérarchique, j’ai pu découvrir et tester l’apport des principes du management situationnel.
Développée par Paul HERSEY et Kenneth BLANCHARD, cette théorie propose de planifier les actions managériales en se basant sur des variables contextuelles.
Cette théorie est largement reprise aujourd’hui (il suffit de voir l’offre abondante de formations proposées et de vidéos publiés pour s’en rendre compte), car elle a le double avantage d’être simple (4 postures managériales)
et d’être structurante dans le cadre d’un plan d’actions managériales.
Je l’applique depuis 2007 et j’avoue qu’elle m’apporte un vrai confort dans la préparation de mon accompagnement.
- Connaissance des actions à réaliser et celles qui restent à mener car elles sont directement liées à l’évaluation faite au jour le jour de la situation de chaque interlocuteur.
- Identification de l’état d’avancement
- Mise en place d’actions correctives inévitables car une approche, même méticuleuse, ne préserve pas d’adaptations nécessaires.
En m’appuyant sur ces principes, voici comment je construis mon plan d’actions managériales en 3 étapes.
1- Atteindre mon objectif
Après avoir réalisé un audit initial, j’établis une cartographie de mes forces en présence.
En fonction des objectifs qui me sont délégués et pour augmenter la probabilité de les atteindre, je détermine la cartographie de l’état final cible.
Il s’agit en quelque sorte d’une zone d’atterrissage qui va me guider dans la construction de mon plan.
Ensuite, pour chaque acteur, je définis une feuille de route reprenant les actions à mener pour respecter les objectifs.
C’est assez simple car la situation de départ rapportée aux réalisations me fournit des informations plutôt fiables sur mes futures chances de réussite.
2 - Validation du plan global
Une fois les plans définis, je m’engage dans une négociation individuelle où je partage, en face à face, l’évaluation initiale et la situation finale attendue pour qu’elles soient validées par le vendeur.
Je valide aussi les pistes d’actions (la feuille de route) que je corrige si nécessaire.
Lorsque toutes les feuilles sont validées, j’optimise mes interventions futures en construisant des actions collectives quand cela est possible et en utilisant les moyens qui rendent possible une interaction à distance.
Mes plans étant agrégés, je peux lancer les actions.
3 - Consolidation dans la durée
Je suis le plan le plus fréquemment possible, à minima après chaque interaction.
Je mets à jour chaque situation que je valide par des tests si nécessaires. Ces points réguliers offrent l’immense avantage de connaître l’état d’avancement et ce qui reste à faire, d’engager les adaptations nécessaires et d’être au plus prêt de mes attentes.
Conclusion
De cette façon, je positionne mes balles de golf dans mon emploi du temps, je peux les faire évoluer, au gré des remontés terrain.
Mon agenda est maintenant verrouillé sur ma principale mission : l’accompagnement des vendeurs.
L’imprévu peut frapper à ma porte, je peux le gérer sans mettre en difficulté l’atteinte de mes objectifs de production.
Nos sources sont disponibles en cliquant sur les liens dans cet article.






